Au-delà de la Politique Ethnique et de la Peur: Hutus, Tutsis et l’Identité Ethnique au Rwanda

Au-delà de la Politique Ethnique et de la Peur: Hutus, Tutsis et l’identité ethnique au Rwanda

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Au-delà de la Politique Ethnique et de la Peur: Hutus, Tutsis et l’identité ethnique au Rwanda 
 
Félicien Kanyamibwa, Ph.D., MqBA.
New Jersey, Etats-Unis d’Amérique, le 19 Mai 2009.

INTRODUCTION

Quinze ans après que la petite nation du Rwanda ait connu l'une des pires tragédies de l'histoire moderne, plusieurs problèmes restent en suspens. Alors que la plupart des gens, y compris des experts de la région des Grands Lacs, les organisations humanitaires et des droits humains, les diplomates, les services de renseignement, et des ressortissants de la région des Grands Lacs s'accordent plus ou moins sur les causes sociales des problèmes, ils sont en désaccord presque total sur les solutions possibles. Un consensus s’est dégagé selon lequel la racine du problème reste la politique ethnique et son utilisation dans tous les rouages du fonctionnement de l’état moderne rwandais.  La politique éthnique a permis à la tragédie de se produire et continue à marquer profondément le paysage politique. Plusieurs propositions visant à résoudre ce conflit ont été avancées. Malheureusement, ces solutions semblent ne pas avoir un objectif clair, spécifique, mesurable, faisable, pragmatique, et planifié.

Sans objectifs clairement définis, les voies de solution durable à ces conflits dans la région des Grands Lacs, plus particulièrement au Rwanda, ne mèneront nulle part. Ce manque de vision claire a conduit à de multiples invasions de la RDC par le Rwanda et l'Ouganda, la récente invasion de la RDC par le Rwanda par le biais de milices commanditées, et les opérations militaires récentes par la coalition des Forces de Défense Rwandaises (FDR) et l’armée Congolaise, les FARDC contre les milices congolaises ainsi que les rebelles et les réfugiés rwandais.

Le monde a expérimenté avec la théorie d’Henry Kissinger que “Si vous ne savez pas où vous allez, n'importe quel chemin vous y emmène” et l’adage de l’empire Romain que “Tous les chemins mènent à Rome” . Le résultat de cette approche chaotique pour résoudre les problèmes de la région des Grands Lacs a été plus de chaos, la perte énorme en vies humaines sans parler des pertes économiques ce qui a rendu le problème encore plus complexe.

Le présent mémorandum tire des enseignements de ma tragédie personnelle, tente de trouver des solutions et propose une approche pour parvenir à une paix durable dans la région des Grands Lacs. Le mémorandum propose d'examiner les méthodes du passé, sans suivre les routes qui ont conduit à l'échec.

Comme le poète japonais Matsuo Bashô du 17 ème siècle nous l’a conseillé: "Ne pas chercher à suivre les traces des ancêtres; rechercher ce qu'ils cherchaient."

L'expérience de nos prédécesseurs rwandais nous met en garde contre ce qui a fait échouer leur vision en dépit de leur honnêteté. Nos prédécesseurs rwandais ont cherché à construire une région pacifique et prospère, où les groupes ethniques vivent en harmonie et les individus s'épanouissent, à travers une intégration économique et sociale. Il est du devoir des dirigeants actuels et des générations futures de poursuivre les mêmes aspirations, mais en suivant un autre chemin: la voie au-delà de la politique ethnique et de peur.

Le présent mémorandum essaie d’en baliser la route. La voie proposée s’articule autour de quatre étapes:

  • Reconnaître les erreurs de la négation des identités ethniques;
  • S’engager sur la voie de la démocratie consensuelle;
  • Viser une pleine démocratie;
  • Ouverture au monde autour de nous en commençant par un bon voisinage et une intégration régionale.

UN JOUR DE JUGEMENT

Je peux dire que je me suis sérieusement intéressé à la politique rwandaise le 2 Mars1997. Cette date restera à jamais gravée dans ma mémoire. Dans la matinée du 2 Mars 1997, des soldats de l'Armée Tutsi du Front Patriotique Rwandais (FPR) encerclèrent les villages et les petits centres de négoce de ma cellule d'origine, dans Jenda, Cellule Kabatezi, Secteur Nkuri, Préfecture de Ruhengeri, au Nord-Ouest du Rwanda. Ils rassemblèrent les hommes et les jeunes garçons Hutus qu'ils ont pu trouver, lièrent les bras derrière le dos avec des cordes solides (torture Akandoya dans la terminologie du FPR/APR) et les conduisirent dans les montagnes de Konoma, Rubare et Runyanjya. Tard dans la soirée, les femmes et quelques hommes qui avaient échappé par chance, entendirent des fusillades nourris. Lorsque les fusillades eurent cessé, les soldats de l'APR descendirent de la montagne et quittèrent les villages et les centres de négoce.

Dans la nuit, les hommes qui avaient échappé la rafle et le carnage conquirent leur peur et se rendirent à l'endroit des fusillades. La macabre scène éclairée par la lune ne put être égalée que par des épisodes du plus horrible film d’horreur. Les corps déchiquetés de jeunes garçons et des hommes, vieux ou jeunes, nageaient dans les bains de sang. Les têtes fracassées et des corps criblés de balles étaient méconnaissables. Très peu parmi ces hommes survivants et pétrifiés par la peur, ont eu assez de courage pour enterrer quelques corps avant le lever du soleil.

Dans la matinée suivante, les troupes de l'APR revinrent avec des camions et conduisirent des Hutu terrifiés dans les montagnes pour que ceux-ci transportent les corps et les chargent dans des camions apprêtés. Quand ils ne parvinrent pas à trouver certains des corps, les soldats de l’APR se déchaînèrent sur les survivants, tuant plus d’hommes Hutus , torturant et exécutant sommairement les femmes qu'ils soupçonnaient de savoir où les corps manquants avaient été enterrés.

Les opérations de nettoyage ethnique prirent plusieurs jours. Après la fin de ces opérations macabres, seuls quelques hommes et jeunes garçons hutus des villages de la région de Jenda avaient échappé au pogrom. Plusieurs femmes et des enfants, y compris des nourrissons, furent massacrés. Les jeunes garçons, hommes et les femmes Hutus qui ont survécu le furent soit parce qu'ils étaient pris pour des Tutsis ou furent cachés et protégés par les voisins Tutsis.

Dans la seule journée du 2 Mars 1997, des milliers de Hutus ont été systématiquement massacrés par les troupes de l'Armée Patriotique Rwandaise (APR). Ce jour-là, à elle seule, ma famille proche perdit 57 personnes. Ce sont 57 frères, soeurs, cousins, neveux, nièces, oncles et tantes, et leurs époux ou enfants, qui ont été tués par l’armée du FPR, pour une seule raison: être hutu ou être soupçonné d'être Hutu ou de s’associer aux Hutus. Cependant, même le régime le plus brutal ne put anéantir la totalité d’un clan. Plusieurs autres frères, soeurs, cousins, neveux, nièces, oncles et tantes, ainsi que leurs conjoints ou leurs enfants ont survécu au massacre. Certains ont survécu parce qu'ils étaient des Tutsis, ou confondu avec les Tutsis, d'autres, à cause du côté caché derrière la méchanceté de l’être humain: le simple sentiment d’humanité.

Human Rights Watch a relaté ces événements dans un rapport intitulé: "Rwanda: la recherche de la sécurité et des droits de l'homme", publié le 1er avril 2000:

In1997, ex-FAR and Interahamwe who had returned from the Congo and who had strengthened their forces by recruiting inside Rwanda, conducted a major insurgency in the northwestern prefectures of Gisenyi and Ruhengeri. In suppressing this uprising, as in the first Congo war, RPA troops killed tens of thousands of unarmed civilians, a slaughter which Rwandan authorities sought to justify by their need for security.

  Durant cette période d’obscurité totale, une lumière brilla et l'humanité a prévalu dans certains cas. Certains Tutsis vainquirent leur peur et risquèrent leur propre vie pour protéger certains des membres de ma famille qui survécurent la folie meurtrière de leurs frères Tutsis de l'APR. Les Hutus membres de ma famille qui ont survécu ce jour-là doivent leur vie à ces courageux et désintéressés Tutsis. Plus tard, lorsque j'ai contacté les membres de ma famille qui ont survécu à ces massacres, ils ne pouvaient pas me raconter les événements: le souvenir était trop pénible. C’est grâce à ces Tutsis que je suis parvenu à connaître et à reconstituer l'histoire tragique de ce qui s'est passé dans mon village en ce jour fatidique du 2 Mars 1997.
  
De ces moments tragiques, j'ai retenu le nom de deux individus: le commandant criminel Tutsi de la compagnie de l'APR en charge de la purification éthnique, et un des courageux Tutsis qui, avec abnégation, a tenu garde devant les abris de fortune où certains des membres de ma famille se cachèrent pendant des semaines. Malheureusement, certains de ces amis Tutsis furent aussi assassinés par des soldats de l'APR aussitôt qu’ils apprirent qu’ils avaient protégé ma famille.

Lorsque j'ai demandé à l'un des Tutsis qui ont sauvé ma famille pourquoi il l'a fait, il a simplement répondu: “Je suis un chrétien. J'ai fait ce que tout bon chrétien ferait: “avoir la crainte du jugement de Dieu et faire amende en aimant mon prochain comme moi-même.” Il tenta de présenter des excuses au nom des Tutsis, mais je l’en dissuada. Je lui expliqua que ces crimes horribles n’avaient pas été commis par des Tutsis, bien que les criminels étaient des Tutsis. Je lui ai alors donné l'exemple des membres des familles Tutsis massacrés pendant la même période.

AUDACITÉ, LA CONSÉQUENCE NÉCESSAIRE DE LA VÉRITÉ

La réponse du Tutsi me rappela la leçon de Gandhi sur le vœu de courage et d’audacité: “ When we fear God, we shall fear no man, no matter how high-placed he may be. And if you want to follow the vow of truth in any shape of form, fearlessness is the necessary consequence. And so you find, in the Bhagawad Gita, fearlessness is declared as the first essential quality of Brahmin. We fear consequences, and therefore we are afraid to tell the truth. A man who fears God will certainly not fear any earthly consequence. "

Les jours qui suivirent le 2 Mars 1997 et après avoir appris l'incroyable histoire des Tutsis courageux qui gardèrent les cachettes où les membres de ma famille se terraient et leur donnèrent la chance de vivre un autre jour, je pris deux décisions importantes; d'abord pour honorer la mémoire de 57 de proches brutalement massacres ce 2 Mars 1997 pour leur appartenance ethnique et deuxièmement comme un hommage à la bravoure, l'abnégation, et le sacrifice des voisins Tutsis qui ont sauvé certains membres de ma famille. Ces décisions ont guidé mon action politique au courant des douze dernières années:

  • Je vais dire la vérité sur la tragédie rwandaise;
  • Je m'efforcerai avec courage dans la poursuite de la recherche de la vérité.

Quand ces incidents eurent lieu, un certain nombre de réfugiés rwandais vivant aux États-Unis d'Amérique, en Europe et en Afrique était occupé à solidifier l'organisation des droits de l'homme, Organisation pour la Paix, la Justice et le Développement au Rwanda (OPJDR) que nous avions co-créée en 1995. Je faisais partie de ce groupe de pionniers. En tant que Coordinateur Général je regardais l’organisation des droits de l'homme comme un tremplin et une plate-forme pour la réalisation des objectifs que je m’étais assignés.

L’OPJDR chercha activement à expliquer avec objectivité la situation qui prévalait au Rwanda. Au cours d'une enquête sur les massacres commis dans l'Est du Rwanda, je reçus des nouvelles inquiétantes au sujet des membres de ma famille qui avaient émigré à Rusumo, dans la Prefecture de Kibungo et Mutara, dans la Prefecture de Byumba, à la recherche de terres et d'autres opportunités économiques.

J'appris que, lorsque le FPR reprit les attaques, le 6 avril 1994, ses éléments atteignirent très rapidement Gabiro et Kabarore. Un oncle vivait et possédait une petite entreprise prospère dans Kabarore au Mutara. Le premier jour, le FPR attaqua le centre de négoce de Kabarore, rassemblant tous les hommes hutus, dont mon oncle, son fils, et des voisins et les massacra. Ses femmes - mes tantes - et quelques autres enfants fuirent vers le Sud-Est, dans la région de Rusumo, pour aller vivre avec les autres membres de famille, y compris des oncles, des tantes, des cousins ainsi que leurs conjoints et enfants.

Le FPR atteignit la région de Rusumo aux mois d'Avril-Mai 1994. Les soldats du FPR massacrèrent les membres de ma famille et jetèrent leurs corps dans la rivière Akagera. Il parait que leurs corps ont été parmi ceux qui ont été repêché à des centaines de kilomètres loin de là, sur le lac Victoria, par des Ougandais et que j'ai vu avec horreur sur les TV américaines. Refugees International, en collaboration avec le HCR a décrit les massacres dans le SITREP du 17 Mai 1994 par Mark Prutsalis et transmis à George Hogeman, Fonctionnaire au Bureau de la Population, des Réfugiés et des Migrations au Département d'État américain:

At Rusumo commune, sectors NYAMUGARI, GISENYI, NYARUBUYE, the RPF comes at 05h00 waiting for villagers to open their doors. The villagers are caught and taken away to the river by trucks. No one has returned. Refugees of the area have seen people being tied together and thrown into the river… Asked by UNHCR field officer refugees said that RPF did not care whether victims were hutu or tutsi villagers.

Dans ces massacres de Rusumo, les soldats du FPR ont massacré la quasi-totalité des membres de ma famille qui avaient émigré vers Rusumo et Mutara, dont 43 adultes, et un nombre inconnu d'enfants. Seuls deux jeunes hommes connus ont pu échapper vers la Tanzanie et sont encore en vie. Le FPR a essayé de nier les massacres et critiqua le HCR dans les “Statements on the Questions of Refugees and Security in Rwanda”, publié le 25 Septembre 1994 par le colonel Frank Mugambage du Ministère de la Défense et de Claudine Nyinawumwami Umutoni sous-ministre de la Réadaptation et de la Protection Sociale (MINIREISO):

At the height of the genocide in April-May this year the UNHCR officials dared to make a false report that RPF forces were responsible for the genocide… The UNHCR accepted and widely publicised false reports by MRND-CDR militias in refugee camp in Ngara… UNHCR officials encouraged the people [from the zone Turquoise] to run to Zaire lest they be killed by the RPF forces when the French Forces left … UNHCR reported bodies (of HUTU) in Akagera river in early September purportedly as a result of Government atrocities. Following this, the President [Pasteur Bizimungu] made a week long verification tour in areas along the river and did not come across a single body in the river. .. The above cases raise suspicions that UNHCR could be having other motives not yet known to us. Otherwise how does one explain their continued baseless and unfounded allegations up this day.

À partir de ce moment, le HCR fut intimidé et resta silencieux sur les atrocités commises par le gouvernement, au point de déclarer, en avril 1997 dans un rapport intitulé “REFUGEE CAMP SECURITY IN THE GREAT LAKES REGION: “The fatal accident which befell the President of Rwanda in April 1994 gave the signal for the start of a brutal genocide which was to last for several months and involve the massacre of several hundred thousand civilians,” au moment où il était déjà de notoriété publique que l'avion du Président Juvénal Habyarimana avait été abattu par des tirs de missile.

Plus tard, quand j'eu vent des massacres de Rusumo et le déversement des corps, y compris au moins 43 membres de ma famille, dans la rivière Akagera, je sentis une révulsion. Je me souviens avoir vu à la télévision et dans les journaux et magazines les cadavres gonflés, les mains liées dans le dos, flottant dans la rivière Akagera, et ceux qui étaient repêchés du Lac Victoria. Je me suis souvent imaginé la mort cruel que ces Hutus et Tutsis ont endurée sous la coupe d'une organisation qui se targuait de vouloir les libérer et libérer le pays.

Le démenti par les fonctionnaires du FPR était un couteau dans une plaie ouverte, une preuve qu’un monstre venait d’hériter une caverne pleine de proies: les innocents rwandais, Hutus, Tutsis et Twas. Le fait que le FPR a massacré systématiquement les Hutus, les Tutsis et les Twas et a continué à déclarer vouloir stopper le "génocide des Tutsis” montra la face cachée du régime. Je réalisa que le FPR voulait éliminer les Hutus et les Tutsis qui vivaient ensemble dans certaines régions, pour que la séparation entre les Hutus et les Tutsis soit une réalité et toute tentative de réconciliation et de cohabitation soient vouée à l’échec. Cette réalisation m’a convaincu que le fait de rester un simple militant des droits de l’homme serait équivalent à rester silencieux face aux actes les plus ignobles.

Ainsi, je me suis engagé sur le deuxième projet pour atteindre les objectifs que je me suis fixé. J'ai fait des recherches sur les circonstances de l'assassinat des deux présidents du Rwanda et du Burundi et de leur entourage. Ces recherches ont mené à la publication du "Mémorandum sur l'Assassinat du Président Habyarimana" en Septembre 1999.

Ces deux expériences, le lancement de l’OPJDR et la publication du mémorandum, m'ont fait découvrir plusieurs choses que je sentais depuis longtemps, mais que je n’avais jamais pu mettre en évidence:

La politique ethnique est bien implantée dans nos vies, nous ne pouvions pas aller de l'avant avant d’affronter cette triste réalité;

Chaque fois que j'ai observé, et en dépit de la tragédie qui a séparé les Rwandais, j'ai toujours trouvé des individus qui, bien que conscients de leur appartenance ethnique, cherchent à se débarrasser des tentacules de la politique ethnique. Quelque part ces personnes aspirent à être transporté dans un “neverland”, où les groupes ethniques n'auraient jamais existé, et les événements qui ont plongé la nation rwandaise dans un cycle interminable et infernal de violence, de vengeance, de peur et d’effusion de sang depuis 1990, seraient juste un cauchemar;

Il y a eu, et peut-être il y aura toujours quelques groupuscules qui cherchent à utiliser l'appartenance ethnique pour parvenir à tout prix à leurs objectifs machiavéliques y compris la conquête du pouvoir par tous les moyens.

CONQUÉRIR LA POLITIQUE ETHNIQUE

Je me suis rendu compte que nous ne pouvons ignorer les ethnies qu’à notre dépens. En même temps, j'ai trouvé de véritables personnes qui verraient leur identité ethnique comme une addition positive à une diversité d'idées, d'expériences, et d’enrichissement dans une nation qui considère la coexistence pacifique comme l'un des principaux, sinon la principale source de ressources et de progrès. Cette réalisation et cette découverte m’amenèrent à contempler la troisième idée, et à m'engager sur une voie qui allait changer le cours de ma vie à jamais.

Ma participation à la création des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) se situe dans cette approche. Les fondateurs des FDLR dont je faisais partie estimaient que, dans chacun des trois groupesethethniques qui composent la nation rwandaise, il existe des forces du bien, qui peuvent mobiliser le reste à s'asseoir autour d’une même table et débattre de leurs différences dans un cadre serein, constructif et fraternel. Le dialogue inter-rwandais qui constituait l'épine dorsale de la plate-forme des FDLR découle de cette conviction fondamentale qui était partagée par tous les fondateurs des FDLR.
  
Quelques années plus tard, une lumière brilla sur cette idée avec la naissance de l'Alliance pour la Démocratie et la Réconciliation Nationale (ADRN-Igihango). Igihango a été une expérience, où la plupart des Tutsis, qui ne tôleraient pas les dérives du régime FPR et les réfugiés Hutus pour la plupart, se réunirent, débattirent et proposèrent une plate-forme pour le changement: le concept de la Démocratie Consensuelle était né. La démocratie consensuelle est conçue pour une société démocratique dans laquelle la représentation effective de toutes les composantes de la société rwandaise et la protection des minorités ethniques seront garanties. Entretemps, il était devenu clair que certains dirigeants des FDLR n’avaient plus la vision des membres fondateurs et privilégiaient le mercantilisme politique aux objectifs de rebâtir la société au-delà de la politique ethnique. Plusieurs des fondateurs, y compris moi-même, et une grande partie des compagnons de lutte ne se retrouvaient plus dans ce qu’étaient devenues les FDLR. Nous décidâmes de continuer la poursuite de notre vision et objectifs en dehors de l’organisation et démissionnâmes des FDLR en Septembre 2004. L’ADRN-Igihango ne put survivre le départ de ces dirigeants qui étaient à la base même de l’existence de sa plateforme de dialogue interethnique et de démocratie consensuelle. Malgré l’échec de l’'ADRN-Igihango, cette expérience a marqué en ce qui me concerne un tournant dans la conquête de la politique ethnique.

L’ADRN-Igihango m'a laissé d'importantes leçons qui détermineront mon prochain engagement politique:

  1. Plusieurs Hutus, Tutsis et Twas partagent les mêmes aspirations en vue de construire une la société démocratique, pluraliste dans laquelle lles aspirations légitimes du peuple rwandais guideront toute organisation politique et garantiront une véritable participation dans la lutte contre la peur et la politique ethnique;
  2. Construire un consensus autour de l'idée de la démocratie consensuelle est une tâche ardue qui exige une mobilisation des couches de base avant d’atteindre les autres couches supérieures pour s’infuser lentement dans le tissu social rwandais.
  3. Le temps est le meilleur ami de la réussite

C'est avec cette conscience que nous nous sommes engagés dans une nouvelle initiative: la création du Ralliement pour l'Unité et la Démocratie (RUD-Urunana). Le principe reste la vision consensuelle de la démocratie, le dialogue constant entre les groupes ethniques et la mobilisation de toute la nation rwandaise pour atteindre des objectifs communs comme le développement durable, partagé et pour tous tout en soutenant une intégration régionale au service de toutes les composantes de la société rwandaise.

L’expérience du RUD a été unique et aussi porteuse d’espoir en raison de l'existence d'une équipe ayant une vision focalisée, le sens du but commun, et l'idée que nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer. Une impulsion a été ajoutée lorsque nos frères et soeursTutsis du Rassemblement du Peuple Rwandais (RPR), pour la plupart ex-membres de l’Armée Patriotique Rwandaise ont rejoint l'Armée Nationale -Imboneza, pour protéger les réfugiés hutus en République Démocratique du Congo (RDC).

Le fait que des centaines de jeunes Tutsis qui, quelques mois ou quelques années auparavant, faisaient partie de l'APR qui cherchait à exterminer les réfugiés hutus, ont rejoint les Hutus opposants pour se battre pour une cause juste, tout en protégeant les réfugiés hutus, a été une première et une étape majeure vers la naissance d'un nouveau Rwanda: le Rwanda avec un paysage politique vide de politique ethnique.

Ce fut une grande victoire sur la politique ethnique et un coup contre la clique de Hutus et/ouTutsis qui font la promotion de ces politiques. C’était une expérience extraordinaire vécue par des individus, des Hutus, des Tutsis et des Twas ayant une audace et un courage exceptionnels.

LA MENACE DE L’AUDACITÉ CONTRE LA POLITIQUE ÉTHNIQUE

Cette expérience de la coalition RUD / RPR menaça ceux qui cherchent à cultiver la peur parmi les groupes ethniques du Rwanda afin de mieux les contrôler. Le régime de Kigali, dont la politique ethnique est la racine et le moteur de son existence, s’estima particulièrement vulnérable. Les services de renseignement et l'appareil de sécurité rwandais visèrent tous les Tutsis et les Hutus suspectés à tort ou à raison d'être derrière l’initiative de la coalition RUD-RPR.

Après avoir renié l'existence de RUD-Urunana/RPR sur la Voix de l'Amérique, Mr. Richard Sezibera, alors Envoyé Spécial du président rwandais pour la région des Grands Lacs, fit tout à coup une volte-face. Le 17 Mars 2006, M. Sezibera publia dans le Daily Monitor, l'un des principaux journaux ougandais, un article dans lequel il accusa les opposants Rwandais résidents à Kampala de préparer à mener une guerre contre leur patrie. Il s’attaqua particulièrement au RUD-Urunana et le RPR. Son article montra sans détour que le régime rwandais était au plus haut sommet de l’état préoccupé par la perspective d'une collaboration entre les organisations politiques composées principalement de Hutus et de Tutsis.

L'article déclencha une chaîne d'actions répressives menées par le régime de Kigali. Mobilisant sa machine financière, diplomatique et politique, le régime de Kigali pourchassa des personnes soupçonnées de soutenir les deux organisations à travers le Rwanda et la région des Grands Lacs. Les gens furent arrêtés et accusés de toutes sortes de délits: notamment les Tutsis furent accusés d'être des membres de “l'armée du Roi (Tutsi)". Déjà en Septembre 2006, juste après qu'ils aient appris le fait de la collaboration effective entre le RPR et RUD, le gouvernement de Kigali dressa une liste d’individus qui fut distribuée au courant de l’une des réunions de la Tripartite-Plus. La liste incluait les fondateurs des deux partis politiques. Sur cette liste, l'ancien officier de l'Armée Patriotique Rwandaise Major Gérard NTASHAMAJE, un Tutsi et le chef du RPR fut inscrit comme étant Hutu et ancien ex-FAR. Major Gérard Ntashamaje, dont le père avait été Ministre, Juge et Avocat à la Cour Suprême dans les régimes antérieurs, avait été jusqu’à l’an 2000 un officier et haut fonctionnaire dans l’administration publique du Gouvernement du FPR.

Le 17 Mars 2007, après une forte pression sur le gouvernement ougandais, 10 personnes, dont 9 Tutsis et 1 Hutu, qui avaient été arrêtées en Ouganda quelques mois plus tôt, furent remis aux services de renseignement rwandais et accusés d'être membres du RUD / RPR.

Cette inquiétude de rapprochement entre les deux principaux groupes ethniques avait été déjà remarquée par certains observateurs. Ainsi, dans un rapport intitulé: “Rwanda: the search for Security and Human Rights Abuses,” publié par Human Rights Watch le 1er avril 2000, l'inquiétude du Gouvernement rwandais à propos de la cohabitation pacifique entre les Hutus et les Tutsis avait été clairement soulignée:
“Between November 15 and 20, 1999 local authorities in Nyamirambo, a section of the capital city, Kigali, detained more than 200 young people on the charge of being part of the "army of the king". They arrested the young men on the streets, where they had supposedly been awaiting transport to take them to places where they would receive military training. The young men were detained in the local lockup for two days and then handed over to the Department of Military Intelligence (DMI), which reportedly released them after they had confessed to unspecified crimes. Unlike previous opposition groups identified solely with Hutu, the monarchists include both Hutu and Tutsi. "

Le Rapport de Human Rights Watch continue plus loin:

Some Tutsi soldiers of the RPA, both survivors of the genocide and those from Burundi and the Congo, say they have no wish to fight the war in the Congo. They want that conflict settled by negotiations, even if this means coming to terms with the insurgents.
The multi-ethnic nature of the monarchist group poses a major challenge to authorities who previously could discredit opposition groups for being composed only of Hutu and for including persons implicated in the genocide. Now both the RPF and the government are themselves increasingly criticized for being dominated by Tutsi. Although they continue to talk about the multi-ethnic sharing of power, about nationalism, and about reconciliation, the RPF and the government have progressively excluded all the major Hutu leaders who once participated in power.”

Le jugement de la Cour Suprême Rwandaise n ° RPA 0017/07/CS du 25 Octobre 2007 du Procureur vs Rukeba François (Tutsi), Ugirimpuhwe Léonard (Hutu), Peter Kabagambe (Tutsi), et Iyarwema Vedaste (Tutsi) accusés de chercher à renverser le gouvernement rwandais en vertu des dispositions des articles 164 et 165, renforcèrent d’avantage les tentatives du régime de privilégier la politique ethnique et de la peur au Rwanda. Les trois juges de la Cour Suprême: Mukanyundo Patricie, Hatangimbabazi Fabien et Kanyange Fidelité condamnèrent les accusés pour la création du RPR et d'avoir coopéré avec RUD-Urunana. Plus précisément, ils étaient coupables d'avoir parlé au téléphone avec Kanyamibwa (moi-même), résidant en Amérique et de l'appartenance au parti politique créé par Gérard Ntashamaje.

Le cas de François Rukeba date de bien avant l’an 2000. La Commission Nationale des Droits Humains, un organe créé par le gouvernement, écrit dans son Rapport Annuel 2000 publié en Mars 2001, sous la rubrique: "L'arrestation et la détention de sous-lieutenant MURERA Bertin, Pte BYABAGAMBA Innocent, RUTABANA Benjamin, François Rukeba et Rugema Janvier “:

The families of the soldiers MURERA Bertin and BYABAGAMBA Innocent, together with those of the Civilians, Benjamin RUTABANA (known by the name Ben) and François RUKEBA sought verbally the Commission's assistance so as to know where these four men had been detained. They had been arrested, some in Tanzania, others in Burundi and forced back into the country by Rwanda Government.

As for RUTABANA Benjamin, he said that the charges referred against him were fabricated and not the real reason for his arrest. He thought the real reason could be that, he had been suspected of aiding and abetting in the escape of former Speaker of Parliament, Mr. SEBARENZI KABUYE Joseph.”

On his part, RUKEBA François admitted to have taken BYABAGAMBA Innocent in his car as far as Butare, on the day BYABAGAMBA fled the Country. He did not however, know that he was running away from the country. He said they later on met in Burundi by coincidence. RUKEBA François denied any involvement in the soldier's escape.
During these discussions at the Kigali Military Prosecutor's Office, none of the detainees said he had been tortured or undergone any other cruel, in-human treatment.

However, they showed such signs as unusual fatigue that the Commission believed those men might have experienced such kind of treatment but, out of fear, they concealed the fact.

Five months after the Commission met them for the first time, all the five were bailed out. They are currently waiting to appear before the court, free from detention.
However, at the time of writing this report, some information yet to be confirmed by the Commission says that two of them, namely RUKEBA François and RUGEMA Janvier, might have fled the Country.

Quelques années plus tard, Le gouvernement va rattraper François Rukeba en Ouganda et l'accuser de s’allier aux Hutus cherchant à renverser le gouvernement.

L’analyse des deux rapports, l'un par l’organisation complètement indépendante Human Rights Watch (HRW) et l'autre par une commission créée et financée par le gouvernement rwandais dominé par les Tutsis permet de réaliser ce qui suit:

À l'instar des Hutus, des Tutsis qui cherchent à se libérer de la politique ethnique et de la peur sont également ciblés et persécutés par le gouvernement dirigé par les Tutsis;
Ces Tutsis sont aussi, comme les Hutus, arrêtés et éventuellement torturés sur base des accusations forgées de toutes pièces.

Il est clair que la politique ethnique basée sur la peur est utilisée pour intimider les Tutsis et les Hutus. Celle-ci est à considérer comme une politique de division mise en place et entretenue par le gouvernement du régime rwandais depuis sa création. Il est aussi apparu ces dernières années que cette politique du régime actuel tend à pérenniser dans la société rwandaise plusieurs formes d’exclusions basées sur les clans, les régions d’origine et la langue secondaire pour ne citer que celles-ci.

AUDACITÉ SUR UNE ROUTE LONGUE ET ETROITE AU-DELÀ DE LA POLITIQUE ETHNIQUE

Cette année, un des événements des plus merveilleux eut lieu dans le monde. Les Etats-Unis d’Amérique ont choisi leur premier président noir (et la première dame noire). Le 20 Janvier 2009, la voix du Président noir retentit à travers les salles où les décisions qui secouent le monde entier sont prises.

L'homme vient d'une race qui, moins de 50 ans auparavant, peinait de passer de l'arrière d’un autobus pour aller au travail et à trouver des écoles décentes. C’était une période dans la quelle les hommes noirs étaient lynchés pour avoir fait des commentaires ou des gestes anodins comme se trouver dans un quartier interdit, ou tout simplement avoir fait valoir leurs droits fondamentaux.

Dans son discours, le président noir prêcha l'espoir, l'harmonie raciale, et un nouvel ordre de paix dans le monde. La plupart des Américains furent d'accord avec lui. En effet la race et la diversité doivent être une source de richesse d'idées, d'initiatives, l'esprit d'entreprise et d'ouverture qui peuvent propulser le pays le plus puissant et le plus riche vers de nouveaux sommets de prospérité et du respect dans le monde. Le peuple américain, la nation la plus diverse dans le monde, a fait un pari sur la complémentarité des races, des nationalités, et des groupes ethniques et a gagné la guerre sur la politique de la division raciale.

L’Amérique a répondu à l'appel de Franklin Delano Roosevelt lancé le 4 Mars 1933 dans son Premier Discours Inaugural: “So, first of all, let me assert my firm belief that the only thing we have to fear is fear itself -- nameless, unreasoning, unjustified terror which paralyzes needed efforts to convert retreat into advance. In every dark hour of our national life, a leadership of frankness and of vigor has met with that understanding and support of the people themselves which is essential to victory.”

Pendant que le peuple américain continue à faire des progrès et à renouveler leur engagement commun de construire une nation représentant un rayon d'espoir et d'harmonie raciale, quelque part, en Afrique, au Rwanda en particulier, les identités ethniques sont exploitées et utilisées pour une politique meurtrière à l'encontre des intérêts de l'Afrique. Le présent régime dirigé par des un groupe restreint de Tutsis rwandais a utilisé et continue d'utiliser cette politique criminelle à la perfection.

Le 11 avril 2009, dans un article publié dans le Los Angeles Times et intitulé: “La puissance de l'horreur au Rwanda”, Kenneth Roth, le Directeur exécutif de Human Rights Watch, a écrit:

One tool of repression has been the gacaca courts … which the government established at the community level to try alleged perpetrators of the genocide. … the law outlawing "genocide ideology" is written so broadly that it can encompass even the most innocuous comments. As many Rwandans have discovered, disagreeing with the government or making unpopular statements can easily be portrayed as genocide ideology, punishable by sentences of 10 to 25 years. That leaves little political space for dissent.”

Au Rwanda, les juridictions Gacaca et la loi sur “l'idéologie du génocide” visent un seul groupe ethnique: les Hutus. Le but de ces deux instruments de répression est de maintenir les deux ethnies -Hutus et Tutsis - dans la crainte et la méfiance réciproque. Les Hutus craignent d'être emprisonnés, torturés, ou tués. Les Tutsis sont toujours rappelés que les Hutus cherchent à les exterminer. C'est une situation entretenue sciemment par la petite clique au pouvoir. le calcul du régime est simple : dans un tel climat les Hutus ne pourront jamais s’opposer au gouvernement, et les Tutsis jureront fidélité à une clique qui leur promet la protection. Il s'agit d'une situation perdante pour le peuple rwandais car dans un tel climat une réconciliation authentique restera un rêve lointain. En effet, la méfiance sera omniprésente et les conflits raciaux ne seront qu’une bombe à retardement.

Gandhi, dans son discours sur “Ashram Vows” au YMCA, Madras publié dans l’Indian Review de Février 1916 et The Hindu du 16 février 1916, écrit à propos des Intouchables “There is an ineffaceable blot that Hinduism today carries with it. I have declined to believe that it has been handed to us from immemorial times. I think that this miserable, wretched, enslaving spirit of “Untouchableness” must have come to us when we were in the cycle of our lives, at our lowest ebb, and that evil has still stuck to us and it still remains with us. It is to my mind, a curse that has come to us, and as long as that curse remains with us, so long I think we are bound to consider that every affliction that we labour under in this sacred land is a fit and proper punishment for this great and indelible crime we are committing. That any person should be considered untouchable because of his calling passes one’s comprehension; and you, the student world, who receives this modern education, if you become a party to this crime, it were better that you received no education whatsoever.

Au Rwanda, une nouvelle classe d'intouchables est née. Cette classe est composée de la plupart des Hutus, mais aussi des Tutsis, qui remettent en question la logique derrière la politique ethnique. La peur, comme un cancer métastatique, a étendu ses tentacules dans le tissu d'une nation, et est alimentée par la politique ethnique. On constate ses méfaits dans l'administration, les entreprises privées et publiques, les cérémonies, les écoles, l'armée, la police, le système financier, le système judiciaire, et les médias; en bref l’état rwandais.

En Avril de chaque année, les Rwandais se souviennent des survivants de la folie de 1994. Habituellement, au courant de la première journée, les dirigeants rwandais font des discours et les survivants commémorent leurs morts. Dans tous les discours, il n'est pratiquement fait aucune mention de victimes Hutus. Seuls les Tutsis sont mentionnés. Seuls les Tutsis ont le droit à la mémoire et à la commémoration. Par exemple, en Janvier 2009 une délégation de réfugiés hutus a visité le mémorial érigé à Gisozi en mémoire des Tutsis tués en 1994. Quand un bébé pleura, la mère Hutue fut expulsée du mémorial et accusée de souiller le lieu sacré.

Le Rwanda est passé de la période de la politique ethnique à la phase d’annihilation politique.

L’annihilation des Hutus est devenue un programme du régime les Hutus, et les Tutsis qui sympathisent avec eux, sont exclus à tous les coups pour que la clique au sommet du pays se maintienne au pouvoir. Dans une des résolutions du Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations Unies (ONU) sur le Rwanda, a qualifié les crimes abominables qui ont été commis au Rwanda en 1994 de “génocide rwandais”. Cependant, le Gouvernement Rwandais, tout en niant l'existence du groupe ethnique Tutsi, rebaptisa les événements “génocide des Tutsis.”

Cette appellation du régime de Kigali ne fait en effet que perpétuer l’exclusion et l’anéantissement des autres groupes sous les formes suivantes:

  • Rappeler constamment et à tord que seuls les autres groupes ethniques ( Hutus et Twas) arborent des criminels;
  • Prétendre que les groupes ethniques n'existent pas au Rwanda;
  • Imposer une contre-vérité à tous les rwandais que seuls les Tutsis ont été tués.

Avec cette politique, les Hutus et les Twas ne peuvent pas prétendre qu'ils sont victimes de discrimination. En effet, comment peut-on être victime de discrimination si on n'existe pas? Ainsi, les emplois dans le service public, les bourses d'études, les admissions à l'enseignement secondaire et supérieur, et d'autres avantages peuvent être donnés à un seul groupe ethnique sans être accusé de discrimination. Si une personne d’un autre groupe ethnique daigne se plaindre et/ou revendiquer ses droits, elle sera arrêtée et accusée d’arborer “l'idéologie génocidaire” et de crimes contre les Tutsis survivants et peut en cas échéant être soumise à la torture, être victime de disparition et d’exécution sommaire, d’assassinats. La dite-personne peut aussi être arbitrairement jetée en prison parce qu’elle sera accusée d'être responsable du génocide rwandais de 1994.

Les Tutsi, reconnus comme les seul survivants, peuvent bénéficier de tous les programmes comme le Fond d'Aide aux Rescapés du Génocide (FARG), un fonds créé pour aider “les Tutsis survivants du génocide” et des Travaux d'Intérêt général (TIG), les travaux forcés exécutés par les prisonniers hutus. Les Hutus ne peuvent pas être des survivants, car ils ne sont pas des Tutsis, et ils ne peuvent pas prétendre d’exister parce qu'il n'y a pas de groupes ethniques au Rwanda. Ainsi les Hutus en tant que membres d’un groupe ethnique sont entrain d’être anéantis. Il est important de faire remarquer que les Tutsis qui sympathisent avec les Hutus et/ou les Twas subissent le même sort.

L'anéantissement des Hutus est alimenté par la peur:

  • La peur des Tutsis de dire la vérité sur cette répression ouverte dont sont victimes les Hutus;
  • La peur des Tutsis de sympathiser avec les Hutus parce qu'ils risquent à leur tour de perdre le soutien et/ou d'être persécuté par un gouvernement Tutsi;
  • La peur des Hutus de dire la vérité, parce qu'ils sont déjà accusés d'être des criminels et risquent d'être accusé d’ “idéologie génocidaire, de négationniste et/ou de révisionniste”.

Entretenir la peur parmi les Tutsis et les Hutus par le biais de la politique ethnique est le seul instrument efficace que le régime actuel Tutsi a de se maintenir au pouvoir. Un régime prédateur au pouvoir comme celui qui est au sommet de l’état au Rwanda ronge la nation et va dévorer le peuple si rien n'est fait. Des Tutsis et des Hutus qui ont compris les intentions machiavélique de ce régime n'ont pas d'autre choix que de trouver les moyens d'aller au-delà de la peur et de la politique ethnique: pour leur propre survie, mais plus important encore, pour la survie des Tutsis, des Hutus, des Twas et du Rwanda en tant que nation.

LA POLITIQUE ETNIQUE A ÉTÉ ESSAYÉE AU RWANDA ET A ÉCHOUÉ: ELLE A CONDUIT À LA RÉVOLUTION SANGLANTE DE 1959

Entre le 13 et le 28 Juin 1956, le Conseil Supérieur du Pays, composée exclusivement de Tutsis, a tenu une réunion à huis clos appelée "Huitième Session du Conseil Supérieur du Pays". La question de l'appartenance ethnique fut soulevée, à la suite du mécontentement général des Bahutu à travers tout le pays, se plaignant des excès, les abus, et de la répression par les Tutsis. Le Conseil Supérieur demanda au Roi du Rwanda de faire la déclaration suivante à la nation :

Certaines personnes peu ou mal informées répètent ou écrivent volontiers que les Batutsis venus dans le Pays en conquérant ont spoliés les Bahutu de leurs biens et les ont maintenus à un rang inférieur. Une telle affirmation relève d’une tendance à ne voir que le mauvais côté des choses. Ceux qui la formulent perdent de vue que certaines lacunes de l’organisation politique et sociale des Batutsis étaient compensées par l’assurance qu’avaient les serviteurs de jouir de la protection de leurs maîtres, les administrés de celle de leurs chefs, cette protection revêtant un caractère nettement familial. …

“Les Bahutu eurent en tout temps l’occasion d’acquérir richesses et considération sociale. Quant au pouvoir politique, des Bahutu et même certains Batwa furent nommés chefs par le Mwami du Ruanda. Si la chose a été perdue de vue, si l’on a pu croire que seuls les Batutsi étaient aux postes de commande du Pays, c’est que des alliances de ces chefs Bahutu et Batwa avec des familles Batutsi avaient tôt fait d’aplanir les différences sociales et raciales de sorte que toute distinction devenait impossible. A plus forte raison sous le régime actuel, les chances sont-elles laissées à tous, suivant leur capacités et leur mérites, d’accéder a toutes les fonctions vacantes.

“Le conseil Supérieur du Pays émet le voeu suivant: “que les mentions “Mututsi, muhutu ou mutwa soient rayés dans les livrets de recensement, fiches ainsi que dans tous les actes officiels.” La séance est suspendue à 12 heures.

Par conséquent, en guise de réponse aux plaintes de discrimination ethnique et de monopolisation du pouvoir par un groupe ethnique,les Tutsis, le Conseil Supérieur du Pays, composé exclusivement par des Tutsis décida de supprimer la mention ethnique dans les documents officiels. Toutefois, dans les mois qui suivirent, les plaintes s’amplifièrent à travers le pays.

Le 21 Octobre 1957, les Hutus ont envoyé une lettre au Mwami Mutara III Rudahigwa demandant l'égalité de représentation des Hutus, Tutsis, et Twas au sein du Conseil Supérieur du Pays.

En Octobre 1957, les Hutus publient le Manifeste des Bahutu demandant la démocratie en général, et la démocratie constitutionnelle, en particulier.

Le 7 Mars 1958, Vianney Bendantunguka, un des activistes politiques Hutus, compara la situation au Rwanda à celle de la nuit de la Révolution française, le 4 août 1789. Toutefois, il suggéra que le Roi avait encore du temps pour une révolution pacifique, au lieu d'une sanglante afin de remplacer une société fondée sur le privilège d'un groupe ethnique par une société fondée sur la démocratie.

Une série de plaintes soutenues provenaient de toutes les régions du pays:

Marangara: les Hutus se demandèrent pourquoi seuls les Tutsi sont admis dans les collèges et les universités. Ils demandèrent également l'abolition du travail forcé et du métayage, proposèrent l'introduction de concours dans l'attribution de bourses d'études et la participation des Hutu au sein du Conseil Supérieur du Pays, l’arrêt de la confiscation arbitraire des propriétés et des exploitations agricoles des Hutus par les Tutsis, etc.

Bushiru: les Hutus firent remarquer que tous les chefs, les sous-chefs, les juges, et les fonctionnaires sont des Tutsis et que même ceux-ci étaient imposés aux Hutus. Les Hutus possédaient la terre, mais maintenant les Tutsis ayant décidé que toute la terre leur appartenait , les Hutus n'étaient plus autorisés à faire paître leur bétail sur leurs propres exploitations. Les Tutsis qui échouaient dans les écoles étaient recrutés comme moniteurs agricoles alors que les Hutus connaissaient mieux l’agriculture.

Kingogo: les Hutus se demandèrent pourquoi seuls les Tutsis sont autorisés à hériter. Si un Hutu mourrait, ses biens devenaient la propriété d'un chef Tutsi. Toutes les fonctions publiques étaient occupées par des Tutsis. Les Tutsis procédaient à la confiscation arbitraire ou appropriation des exploitations agricoles des Hutus etc.
  
Kabagali: les Hutus firent remarquer que tous les juges et les procureurs sont des Tutsis. Ils firent remarquer qu'il existait 3 races au Rwanda: Hutu, Tutsi et Twa. Les Hutus demandèrent quels étaient les critères pour obtenir un emploi dans le service public: la race (ethnie) ou la compétence. Ils se demandèrent si tous les Hutu sont incompétents et condamnèrent la confiscation arbitraire et l’appropriation des fermes des Hutus par les Tutsis, etc.

Cyanika-Bufundu: Les Hutus se demandèrent pourquoi seuls les Tutsis recevaient des bourses pour étudier en Europe. Ils se plaignirent que tous les Juges étaient Tutsis et corrompus, de la confiscation ou l'appropriation arbitraires des fermes de Hutus par les Tutsis, etc.

Et plusieurs autres plaintes émanant de personnes ou des groupes de personnes parvinrent à la cour royale sous forme de tracts, de journaux, de magazines, de rapports de réunion, etc. La constante de ces plaintes était la suivante: l’aristocratie Tutsi opprimait les Hutus et occupait la plupart des fonctions publiques; les Tutsis étaient exclusivement représentés dans les plus hautes institutions et fonctions du pays, telles que le Conseil Supérieur du Pays, les chefs et sous-chefs, les juges, les procureurs; les Tutsis étaient exclusivement admis dans l’enseignement public secondaire et supérieur, et recevaient exclusivement des bourses d'études.

La situation d’avant 1959 semble être similaire à ce que l'on observe ces jours-ci au Rwanda. À l'invitation du Gouvernement de Kigali et de la Communauté Internationale, une délégation des combattants et leurs dépendants membres du Ralliement pour l'Unité et la Démocratie (RUD) / Rassemblement du Peuple Rwandais (RPR) ont mené une visite exploratoire au Rwanda entre le 23 et le 28 Janvier 2009. La visite faisait partie d’un des volets du Processus de Paix initié à Rome le 9 Mai 2008 entre le Gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) et le Congrès National pour la Démocratie (CND), une coalition entre le RUD et le RPR, avec la facilitation de la Communauté Sant 'Egidio.

La Feuille de Route du dit Processus fut rendu public à Kisangani, le 26 Mai 2008. Suite à cet accord, un premier groupe de combattants du RUD / RPR furent volontairement désarmés au cours d’une cérémonie officielle qui s'est tenue à Kasiki, Territoire du Lubero (Nord Kivu), le 31 Juillet 2008. Les combattants, des personnes à leur charge, ainsi que d’autres réfugiés rwandais furent regroupés à Kasiki.

La visite exploratoire au Rwanda fut organisée pour que la délégation des réfugiés et des combattants puisse s'informer sur les conditions de sécurité et de participation sociale, économique, et politique des Rwandais au Rwanda dans le but d'un rapatriement volontaire et pacifique des réfugiés rwandais.

A l’issue de cette visite, la délégation a émis un rapport qui mettait en exergue les observations suivantes au sujet de la situation politique et sociale au Rwanda:

 

  • l’absence généralisée de sécurité pour les individus;
  • la terreur par les milices gouvernementales, Local Défense Forces (LDF);
  • le harcèlement, justice dirigée contre les Hutus seulement, fabrication des accusations et des preuves, et le manque de justice dans les Gacacas (tribunaux populaires);
  • absence de libertés de participation à la vie politique;
  • exclusion sélective des Hutus des emplois publics, l’armée, la police, et des affaires;
  • confiscation arbitraire des biens individuels sans compensation;
  • emprisonnement arbitraires des Hutus et des opposants politiques;
  • Travaux d’intérêt généraux (TIG) qui ressemblent plus au travail forcé;
  • traitement cruel des prisonniers et des détenus;
  • forcer les ex-combattants à retourner en RDC pour se battre au sein de CNDP ou des forces de l’armée rwandaise (RDF).

L'actuel régime rwandais répète les mêmes erreurs et suit les schémas des générations passées. Les mêmes causes conduisent aux mêmes résultats. C'est pourquoi il est important de rejeter la politique ethnique, avant qu’il ne soit trop tard. Nous devons créer un système juste, légitime et équitable répondant aux aspirations légitimes de toutes les composantes de la population rwandaise. Toutes ces composantes doivent être impliquées dans la recherche de solutions durables et viables aux problèmes auxquels notre pays fait face. Ce n’est que dans un tel cadre que les dirigeants rwandais peuvent se prévaloir d’une quelconque légitimité.

Le Rwanda en tant que nation appartient à tous les Rwandais.

En Janvier 2008, à l'invitation de la République démocratique du Congo (RDC), je me suis rendu à Kinshasa. Le but était de trouver une solution pacifique à la résolution du problème vieux de 15 ans, des réfugiés rwandais dans l'Est de la RDC. À 'issue de la visite, j'ai lancé un appel au général Paul Kagame, dans notre déclaration 24 Janvier 2008 à Kinshasa sur la paix dans la région des Grands Lacs, en l’invitant à reconstruire "la nation rwandaise qui n’est pas basée sur des solutions défectueuses du passé, mais un Rwanda nouveau où nos descendants seraient au-dessus de ce qui a jusqu'à présent divisé les Rwandais, un Rwanda où nos enfants et nos descendants ne vivront pas dans la confrontation récurrente, mais plutôt exploreront et mettront en pratique des solutions pour le développement du Rwanda. "

Encore une fois, à Kasiki, le 31Juillet 2008, j'ai invité le général Paul Kagame à ouvrir les portes pour que les réfugiés rwandais rentrent chez eux. Je l'ai invité, d'abord comme un homme, puis comme un ancien réfugié, et enfin en tant que leader. Ce défi a été la constance de nos appels et nous avons toujours affirmé notre volonté à vouloir rencontrer le général Paul Kagame en tout temps avec l'aide de médiateurs indépendants. J'ai fait l'appel parce que, comme un proverbe chinois nous enseigne “A Great Man Can Bend and Stretch.” Les dirigeants actuel du Rwanda se doivent de démontrer qu’ils peuvent tendre la main très loin et se recueillir dans l’humilité.

L'urgence d'agir maintenant, avant qu'il ne soit trop tard oblige les Rwandais à apprendre des erreurs du passé et de les éviter. La Révolution française et la Révolution rwandaise ont eu leur temps et nous ont appris les conséquences d'ignorer les aspirations du peuple et la tragédie de la politique ethnique et de la peur.

Nous devons nous libérer de la peur et la méfiance ethnique et aller au-delà de l'amertume et la vengeance pour que les Rwandais et la région des Grands Lacs ne restent pas dans un cycle de violence et des effusions de sang à répétition. D'autres pays et nations vainquirent la politique ethnique et de peur. Nous pouvons apprendre d'eux et même faire mieux. Je reste convaincu et confiant que nous les rwandais nous pouvons y parvenir si nous y consacrons toutes nos énergies.

VERS UNE SOCIÉTÉ AU-DELA DE LA POLITIQUE ETHNIQUE ET DE PEUR.

L’histoire du Rwanda a été marquée par un cercle vicieux dont l’intensité est alimentée par la politique ethnique. La politique ethnique ne peut exister que suite à la peur et la méfiance entre les différents groupes ethniques. Des politiciens véreux et malhonnêtes, comme des charognards et des parasites, se nourrissent de cette peur, entretiennent cette méfiance, et attisent les émotions populaires en vue de se maintenir au pouvoir.

Le 12 Décembre 1958, moins d'un an avant que les Hutus ne renversèrent la monarchie tutsie dans une révolution sanglante, un prêtre tutsi mit en garde à la fois les aristocrates Tutsis et l'administration coloniale sur les risques d’une tragédie imminente.

Dans un article intitulé "Aux origines du problème Bahutu au Rwanda, paru dans la Revue Nouvelle XXVII, n ° 12 p1-5, le Prêtre Stanislas Bushayija écrivit:

Le sentiment d’injustice que ressentirent à un moment donné les plébéiens romains vis-à-vis des patriciens, les serfs vis-à-vis des seigneurs dans l’ancien régime, est celui qu’éprouvent aujourd’hui les Bahutu par rapport aux Batutsi. Ils cherchent leur émancipation, leur accession à un monde libre et égal pour tous. C’est ainsi qu’il faut comprendre les discussions, les manifestes, les articles qui se succèdent à un rythme de plus en plus rapide. L’histoire nous montre que lorsque des revendication arrivent à ce point de maturité, elles aboutissent fatalement à des révolutions ou des guerres civiles, si les responsables ne leur donnent pas une réponse satisfaisante.

Malheureusement, très peu de dirigeants tirent des leçons de l'histoire. Comme je l'ai souligné récemment dans un discours que j'ai prononcé à l'Université Rutgers, en invoquant l'auteur irlandais et prix Nobel George Bernard Shaw: “If history repeats itself, and the unexpected always happens, how incapable must Man be of learning from experience... Hegel was right when he said that we learn from history that man can never learn anything from history.”"

L'observation par le prêtre tutsi demeure pertinente et s'applique à la situation actuelle au Rwanda. Le 30 Octobre, 1959, Père Stanislas Bushayija écrit à l'administrateur colonial en proposant des mesures pour calmer l'explosion sociale imminente:
D’autres part, je suis persuadé que le temps est révolu où il était possible de gouverner le Munyarwanda, surtout le mututsi, par des négotiations douceureuses et concessions factices, c’est, aujourd’hui, l’énérgie (j’allais dire la force, mais je n’y pense pas moins) dans la justice et l’équité, qui doit et peut gouverner le Ruanda.”

Huit jours plus tard, le 7 Novembre 1959, la Révolution Sociale Rwandaise de 1959 commença, plongeant le pays dans une orgie de sang qui allait marquer l'histoire du Rwanda jusqu’à ce jour.

Malheureusement, les conséquences telles que prévues par le Père Bushayija finissent par se produire. Lorsque la tragédie se produit, les flammes de l'incendie de la révolution sociale consommeront des masses de personnes innocentes. C'est pourquoi nous ne pouvons pas rester immobiles et inactifs et laisser le Rwanda se diriger tout droit vers une route conduisant à une perdition et un anéantissement certains. De mon humble avis, une société au-delà de la politique ethnique est possible. Je propose les mesures suivantes pour y arriver:

1) Reconnaître les erreurs derrière la négation des identités ethniques.

L'identité ethnique est ce que nous sommes, notre héritage social, notre essence en tant que peuple ou groupe de personnes, que nous le voulions ou que d'autres veuillent nous définir en tant que tel. Ce n'est pas l'existence de l'identité ethnique qui est le problème. C’est le recours à des groupes ethniques pour atteindre des objectifs politiques destructeurs qui nous ont dévasté et le feront encore une fois si tous ensemble nous n’y prenons pas garde.. Nous avons besoin de remettre en question, combattre et vaincre ce maudit héritage que nos ancêtres nous ont laissé.
  
Les groupes ethniques ne peuvent pas être supprimés ou maintenus selon les caprices des politiciens ou d'un groupe ethnique. La Nation doit déterminer la meilleure manière de gérer un état multi-ethnique et d'utiliser l'identité ethnique comme une source de richesse d'idées, d'initiatives, d’esprit d'entreprise, d'ouverture et de prospérité. Le Rwanda a un bon exemple en des états comme l’Amérique, le Canada, l’Inde, le Royaume Uni, la France, l’Afrique du Sud et d'autres Etats où le caractère multiracial est devenu un atout pour toute la société.

2) Je suis de la ferme avis que la Démocratie Consensuelle reste la meilleure solution contre la politique ethnique et de peur.

La politique ethnique au Rwanda est une malédiction. Comme Gandhi nous mit en garde, aussi longtemps que ce fléau demeurera avec nous, le peuple rwandais sera condamné à la souffrance, l'exil, le déracinement, l'effusion de sang, et un jour, l'anéantissement.
L’annihilation ne peut être évitée que par la reconnaissance de soi et la reconnaissance des autres dans une société où, comme les philosophes Jurgen Harbermas et Bruce Barry le font valoir, la légitimité de notre pays le Rwanda doit être basée sur une notion des droits politiques et d’autonomie des sujets individuels. Cependant, nous avons besoin de marier ces droits individuels à la démarche proposée par des scientifiques politiques comme Charles Taylor et Will Kymlicka: le Rwanda doit reconnaître l'identité ethnique et développer un processus à travers lequel les besoins particuliers des groupes ethniques peuvent être satisfaits dans les limites d'une politique et une structure fortes.

Bref, nous avons besoin d'un système où la voix de chaque personne soit entendue, où la participation de chaque entité soit effective, mais dans lequel les groupes ethniques s’épanouissent. C'est le concept de la Démocratie Consensuelle.

3) La Démocratie Consensuelle Cédera la place à une Pleine Démocratie.

La Démocratie Consensuelle doit protéger les minorités, en particulier les minorités ethniques, contre la tyrannie potentielle d’une majorité ethnique. Toutefois, au fur et à mesure que la confiance entre les groupes ethniques se solidifie et les groupes politiques se développent autour d'une plate forme d'idées, la démocratie consensuelle va éventuellement céder la place à une véritable démocratie.

4) Le Rwanda doit se tourner vers l'extérieur, et non se concentrer vers l'intérieur.

La plupart des conflits ethniques sont liées à des ressources limitées. Malheureusement le Rwanda est surpeuplé, enclavé, et avec très peu de ressources naturelles. Le Rwanda et son peuple doivent se fier à leur ingéniosité, leur esprit d'entreprise et de travail dur. Ils doivent développer la politique du bon voisinage et le sens de saisir l'opportunité. Les Rwandais sont tenus d'être de bons voisins s’ils doivent survivre en tant que nation. Ils doivent être souples et stratégiques. Ils doivent anticiper et saisir les opportunités autour et en face d'eux. Toutefois, ils ne peuvent pas le faire s'ils ne sont pas prêts à enterrer leurs vêtements de victimes et endosser ceux des vainqueurs: Victorieux sur la politique ethnique et de la peur.

CONCLUSION

En dépit de toute leur complexité, les problèmes issus de la politique ethnique et de la peur promue par le régime actuel au Rwanda peuvent trouver des solutions pragmatiques. Le fait que tant de Tutsis fuient le pays, et certains ont rejoint les soi-disant "rebelles hutus" en République Démocratique du Congo (RDC) et ailleurs ou créent leurs propres rebellions armées, est une indication sans équivoque que le système implanté par l'actuel régime rwandais a échoué et est bati sur “du sable mouvant.

Seul un système basé sur des valeurs démocratiques, le respect des libertés et des droits individuels, l’exclusion du complexe de vainqueur sur le vaincu, et la participation sociale, politique, et économique de toutes les composantes de la société Rwandaise a plus de chances de réussir. Nous, rwandais, ne pouvons bâtir un pays sur fondation basée sur la vengeance et/ou la domination de l’autre.

Cependant, les Rwandais ne peuvent pas y arriver seuls. Les véritables amis du peuple rwandais ne peuvent pas se permettre de regarder les Rwandais s’aventurer sur la voie de la destruction comme un troupeau de bétail amené à l’abattoir. Ces amis ont aussi une énorme responsabilité. C’est ce genre de système, avec le support de vrais amis, qui pourra conduire la nation Rwandaise au-delà de la politique ethnique et de peur.

Félicien Kanyamibwa, PhD.


New Jersey, Etats-Unis d’Amérique.
19 mai 2009.
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©Copyright 2009, Felicien Kanyamibwa.



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